Chronicle 2 : Age of Splendor - Chapitre 3, Aria (3)
La nuit était irradié par le sourire croissant de la Lune. Du quai, une corne signala le départ d'un bateau. Le phare de Heine, le plus beau de sa catégorie, envoya un rayon bleuâtre qui illumina le ciel. Pour la plupart des habitants de Heine, ce jour était un jour comme les autres. Cependant, les plus sensibles d'entre eux sentaient que l'atmosphère des rues était un peu différente.
La Guilde des Elfes Noirs était en générale inoccupée car peu de monde passait ses portes. Elle fût fermée dès l’apparition de la lune. Même les aventuriers qui d'ordinaire se musardaient dans les magasins, ne s'étaient plus montrés depuis l’aube. Sur le quai et aux alentours des portes du château, des Elfes noirs en nombre inhabituel, fourmillaient.
« C'est comme si tout le monde attendait que la fête commence » dit Flauen, la GateKeeper (ndlt : impossible à traduire) de Heine, tout en regardant la lune courbée telle une lame de Shamshir. Baissant le regard, elle vit deux Elfes Noirs de dos entrain de s'éloigner. L'un d'entre eux semblait sérieusement blessé et marchait avec difficulté. L'autre Elfe Noir qui aidait son compagnon, portait un arc impressionnant, un carquois noir et des flèches ornées de petits drapeaux noirs.
« Honnêtes gens ou bandits ? » marmonna t’elle en montrant les deux Elfes Noirs. « Quand je vois ceux qui luttent dans cette bataille solitaire qu'est la vie, j'ai envie de leur donner un coup de main. »
« Je n'arrive pas à croire que je vais pouvoir me battre avec FirstMatter. »
Maître Brikus marmonnait, serrant sa ceinture. Après avoir soigneusement ajusté ses habits, il frotta du pouce le sang d'un combat précédent sur son armure afin de le faire disparaître. Aux yeux de Xenovia, il était nerveux comme un apprenti sur le point d'être testé par son maître.
« L'avez-vous déjà rencontrée ? » Le visage sombre, Maître Brikus compta sur ses doigts et dit.
« C'était il y a 15… peut-être 18 ans de cela, quand je travaillais comme sentinelle. Elle avait été invitée comme instructeur spécial. »
« Quel genre de personne était-elle ? »
Maître Brikus pinça les lèvres et regarda en l'air. Remarquant la ride profonde qui se dessina sur son front, Xenovia supposa qu'il était peut-être en train de se remémorer quelques douloureux souvenirs.
« La seule chose dont je me souviens c'est que durant toute les séances d'entraînements, elle avait eu l'air fatigué. Au début, on pensait qu'elle n'était pas du tout intéressée pour nous entraîner. Pour ma part, je ne l'aimais tout simplement pas. »
Xenovia rassembla quelques livres de sorts et autres potions et les mit dans la sacoche attachée à sa ceinture. Elle serra son épée à sa taille, tout en espérant ne pas avoir à en faire usage. Elle ne parvenait pas à se décider si elle devait ou non mettre son armure.
« Pas la peine ! » Lui dit Maître Brikus, et elle laissa tomber l'armure lourde qui ne ferait que la ralentir dans sa vitesse d'incantation pour ses sorts. « Je serai toujours là, entre FirstMatter et toi. »
« Si j'avais été une Elfe.. » sourit Xenovia, « J'aurais dit quelque chose comme - Je serai toujours là pour vous protéger, peu importe les circonstances - . »
« Quelle drôle de parole » pouffa Maître Brikus. Il éclata de rire quand ses yeux croisèrent ceux de la magicienne. Une fois remis de son amusement, il passa le bras autour du cou du Magister et l'attira doucement à lui. Xenovia reçu un baiser.
« Même lorsque tu seras plus âgée, ne deviens jamais comme cette femme. » Lui dit Maître Brikus, tenant gentiment son visage entre les mains.
« Une femme difficile ? »
« Une femme obsédée par sa personne et dure avec elle-même. »
Maître Brikus gêné aux entournures réajusta son armure. Il enroula soigneusement une longue bande de tissu autour de son torse pour minimiser les chances de saignement. Il portait deux épées à la ceinture et cachait deux dagues dans ses bottes. Un petit arc pendait dans son dos et son carquois suspendu à sa hanche. Il mit une paire de gantelets, puis son manteau qui cacha correctement la plupart de ses armes.
« Nous n'avons rien laissé derrière n'est-ce pas ? »
Xenovia hocha la tête et il ferma la porte de la guilde à clé. Pendant qu'il replaçait la clé dans sa cachette habituelle sous les escaliers, elle pendit une pancarte à la porte sur laquelle on lisait
« Aujourd'hui, nous sommes fermés. » en lettres noircies.
Environ deux cents gardes furent divisés en quatre unités, chaque unité était composée d’une cinquantaine d'hommes, alignés en formation croisée. Ils attendaient les ordres de leur supérieur. Lorsque le Capitaine Gosta apparut en direction de Durphis, un officier, tout le monde le salua à l'unisson. Ils marchèrent vers la porte ouest du château de Heine et se dirigèrent vers les Champs de Roseaux.
« Oh oh, ils sont en mouvement. Ils y vont ! »
Dans la calèche, Iason Heine regardait la défilé avec grand intérêt. Sa calèche avait été rangée sur le côté ouest de la route qui avait été bloquée au trafic civil afin de laisser passer l'armée. Quand Innadril fût construite, la famille Heine avait fait don d'une importante somme d'argent au Seigneur du château. C'est pour cela que la ville fut nommée en son nom. Ils avaient aussi contribué au grand projet de construction de la ville flottante. Actuellement, Iason Heine occupait la position du douzième Seigneur du clan Heine, le plus riche d'Innadril.
« Vous feriez mieux de baisser le rideau, Sir, vous pourriez être en danger S'ils reconnaissaient »
Iason Heine éclata de rire face à l'inquiétude de son secrétaire, et répondit, « Quel genre de problème pourrait bien m'arriver ? Ils sont prêts à se battre pour moi, risquant leur vie contre le clan Tasaba, mon ennemi qui m'a volé mes biens. Ne croyez-vous pas que la moindre des choses serait de les regarder partir ? Après tout, pour mobiliser tous ces gardes pour cette mission, j'ai du corrompre le nouveau seigneur avec beaucoup d'argent. »
Le visage du secrétaire s'assombrit alors qu'il essayait de l'avertir. « Sir, Et si quelqu'un vous entendait ! »
Iason Heine ferma la fenêtre et s'enfonça dans son siège. Il était presque l'heure de repartir. Tapotant sur la fenêtre qui séparait son compartiment de celui du cocher, il cria, « Allons-nous en d'ici ! » Le fouet du cocher claqua en l’air et la calèche se mit lentement en branle.
De l'extérieur du calèche, les sons reposants du Champ des Roseaux semblèrent calmer les esprits. Fermant les yeux, le distingué marchand imaginait les roseaux en train de danser. Il imagina aussi le visage pâle des assassins en train de piétiner les roseaux dans leur marche vers la ville flottante. Son imagination n'était pas loin de la réalité.
"C'est lent..."
Après avoir enlevé la pancarte qui disait "Tout juste arrivés ! Nouveaux produits !", Verona posa les mains sur les hanches et s'étira le dos. Elle entendit ses os craquer. "Ouch !" Elle se massa le bas du dos avec le poing et entra dans le magasin. Fermant la porte, elle tira le verrou et pendit une pancarte sur laquelle on lisait "Fermé aujourd'hui".
"Quoi ? Tu es encore là ?"
"Eh bien, que dois-je faire maintenant ?" Verona balaya du regard le magasin. Espen posa ses deux pieds sur le comptoir, se pencha en arrière et ouvrit un magazine. Deux clients étaient toujours dans le magasin.
"N'as-tu pas dit que tu devais partir aujourd'hui ?"
"Non !" Piriel Aurura, une Scavenger, était assise sur le sol et lançait son dé, l'air boudeuse. Je ne veux même pas voir l'ombre d'un Elf Noir. Je vais simplement rester ici aujourd'hui."
"Tu es bouleversée par quelque chose, je peux le voir." Verona tapota gentiment la tête de la Naine pourtant bien plus âgée qu'elle-même.
"Je ne peux vraiment pas le supporter !"
Piriel n'arrivait pas se débarrasser de sa frustration. Après avoir joué encore un peu avec son dé, elle comprit enfin la raison de sa mauvaise humeur, même si elle ne s'en sentit pas mieux pour autant. Elle regarda le marteau de fer, son outil favori. Elle s'imagina en train de frapper la tête d'une certaine vieille Elfe Noire. D'une certaine manière, cette pensée améliora considérablement son humeur.
"Piriel Aurura." Le propriétaire du magasin était surpris de voir la Naine rigolant pour elle-même. Elle le regarda comme s'il venait juste de la tirer d'un rêve. "Saurais-tu par hasard quelque chose à propos du vin de Dreviant ?"
Piriel répondit que ce vin était produit en petite quantité de manière artisanale dans la Forêt Maudite. Les ingrédients, les "Pino Rouges" n'étaient cultivés qu'à Gludio. Le poison, extrait d'une araignée, était fermenté à l'aide de méthodes secrètes apprises des démons. Elle ajouta que le goût avait une texture de soie et une fragrance unique, inoubliable. Le marchand elfe acquiesça et sourit.
"Que dirais-tu si je te disais qu'une des douze caisse de ce vin fabriqué il y a vingt-neuf ans dans une cave appelée Astaron, était actuellement cachée sous ce comptoir ?"
La mâchoire de la Scavenger en tomba et ses yeux s'écarquillèrent. Espen demanda à Verona d'apporter des verres à vin. Les trois s'assirent sur le sol du magasin et goûtèrent le légendaire vin.
"Hey Tushku !" Espen appelait le préfet Orc. L'Orc massif se sentait toujours coupable du fait que la moitié du magasin ait été détruite suite à ses actes plus tôt dans la journée. Pour se racheter, il s'était attelé à réparer le magasin. Mais, conformément à l'adage qui dit qu'on ne peut attendre d'un orc qu'il fasse correctement un travail requérant une certaine dextérité des mains, il ne fit que détruire un peu plus le magasin.
"A moins que tu ne soies en train de développer une nouvelle technique de combat avec ce marteau, s'il te plaît, pose-le et viens boire un verre avec nous."
L'Orc s'assit en silence avec les autres.
"On dirait que nous avons un verre en trop."
"Non, c'est tout à fait juste."
Espen versa du vin pour tout le groupe, puis remplit le dernier vers à ras bord.
"Elle devrait se montrer à la pointe du jour. Pourquoi ne commencerions-nous pas à boire en l'attendant ?"
La nuit tombée, la température chuta et le vent marin commença à souffler. Un par un, les citadins et les gardes disparurent. Les seules créatures rôdant dans les rues étaient les Elfes Noirs, dont la peau avait la même couleur que le clair de lune.
Environ une douzaine d'Elfes Noirs se précipitèrent dans l'allée auprès de Brikus. En secret, ils rapportèrent les résultats de leurs recherches. Brikus savait qu'une des unités envoyées dans la ville n'était pas revenue. C'était l'unité partie fouiller la zone des quais.
Brikus sentit sa poitrine se serrer. Trois heures avaient passé depuis le début de leurs recherches et toujours aucun signe de FirstMatter. Durant la nuit, beaucoup d'entre eux finirent hors d'état de combattre. Les chercheurs furent vaincus par la tension et la frustration. Très vite, leurs sentiments tournèrent à la peur.
Dans le canal, un poisson sauta hors de l'eau, tordant son corps et réfléchissant la lumière de la lune en de scintillantes couleurs argentées. Cela dura un bref instant, puis le poisson disparut dans les profondeurs du canal.
Brikus serra les dents dans un juron. Soudain, il comprit la tactique de FirstMatter. "Bon écoutez moi tous ! Rétrécissons les zones de recherche !" Il divisa le canal en plusieurs sections et les assigna aux unités de recherche.
"Soyez le plus discret possible dans vos déplacements. Aucune unité ne rentre en contact avec une autre. Gardez en tête que nous somme les chasseurs !"
Brikus ne parvenait pas à se débarrasser de l'idée qu'il était la cible. Avec le Maître Mage Xenovia, il monta à bord de la gondole et fouilla la zone entre les sections est et sud du canal. Les Elfes noirs avaient une vision perçante même au clair de lune. FirstMatter pouvait être une anguille mais Brikus sentait qu'il pouvait l'attraper. Il observa un banc de poisson qui disparut rapidement alors que la gondole approchait.
"FirstMatter est imprévisible. Peut-être veut-elle tuer les 99 que nous sommes à mains nues."
Un jeune Elfe, incrédule et admiratif, demanda, "Pourquoi dites-vous cela, Sir ?"
"Parce qu'elle ne cherche pas à fuir. Elle veut impressionner le Tetrarch Thifiell et lui prouver qu'elle a raison. Il y a beaucoup d'autres raisons, mais elle n'a qu'une seule vraie motivation. C'est parce qu'elle en est capable."
A quelque distance de là, Aria regardait la gondole qui convoyait ses poursuivants. Deux d'entre eux étaient en train de converser tandis que la femme scrutait attentivement le fond du canal.
Aria frémit lorsqu'elle vit que la femme levait soudain la tête et regardait dans sa direction. Cependant, elle ne pouvait voir au travers du voile trompeur qu'Aria avait tissé autour d'elle dans la pénombre. Lorsque le bateau approcha, Aria put identifier deux des trois qui se trouvaient à bord. Elle connaissait parfaitement le visage de Maître Brikus et pouvait deviner l'identité de la femme qui l'accompagnait.
Lorsque, enfin, la gondole passa sous le pont, Aria enleva son voile d'illusion, s'abattit sur l'Elfe Noir qui tenait la perche, et le poignarda. Elle était sur le point d'attaquer le Mage Xenovia quand Maître Brikus lui bloqua le passage en brandissant son épée. Comme il portait une armure lourde, la gondole fit de violente embardées. Aria vacilla, tentant de reprendre son équilibre, tandis que Brikus riait triomphalement.
Ayant perdu son gondolier, le bateau partit à la dérive, sans but, suivant le flot du courant. Tandis que Maître Brikus protégeait ses avants, le Mage incantait un sort. Aria les abandonna, s'échappant par la rive. L'incantation terminée, un hurlement strident se fit entendre, tel des milliers de flèches projetées en même temps.
Les bâtiments en marbre blanc furent défigurés par d'affreuses fissures. Les pavés qui arboraient juste avant de magnifiques dessins furent balafrés de grandes fentes, comme si un géant avait sauté dessus à cloche-pied.
"Pourquoi lui as tu tirer dessus comme ça ?"
La poche d'air créée par l'énorme pression infligea des dégâts considérables aux structures de la ville et repoussa FirstMatter avec beaucoup de force. Tel un épouvantail piégé dans une tornade, elle fut éjectée du canal, et alla se fracasser contre le second étage d'un bâtiment.
Brikus sauta sur la rive derrière FirstMatter et la signala aux Elfes Noirs qui étaient proches. Xenovia suivit Brikus sur la rive. Les rues reliaient plusieurs corridors et escaliers en un labyrinthe compliqué. Les deux poursuivants sautèrent de l'autre côté du canal, grimpèrent les murs et marchèrent sur les toits des bâtiments qui les séparaient de leur proie.
Brikus trouva du verre éparpillé et une mare de sang sur le sol. Tandis qu'il touchait le sang, une flèche vola à travers la vitre brisée et se logea dans son épaule. Grâce à son armure épaisse, la blessure serait légère.
"Quelle attaque minable !" Hurla Brikus. "FirstMatter, tu te fais vieille aussi !"
"Tu n'as pas besoin de me rappeler ça, espèce de salaud !"
Depuis quelques heures déjà, Aria jouait à cache-cache avec de nombreux soldats compétents. A quel point était-elle fatiguée ? Cette bravade était-elle destinée à le tromper ?
Dans le grenier d'un vieil immeuble abandonné, le plafond était tellement bas qu'il était difficile de bouger. L'odeur de papier pourri était accablante. Une porte se ferma en claquant tandis que Brikus entrait, l'enveloppant de ténèbres.
Brikus était reconnaissant que Xenovia soit restée derrière. N'ayant jamais subi d'entraînement d'assassin, être jetée dans une situation telle que celle-ci aurait revenu à aller au combat sans armes. Ceci dit, Aria était blessée, et l'odeur du sang est bien plus puissante que n'importe quelle autre odeur corporelle.
"Cela ne sert à rien !"
Brikus fut désorienté car la direction d'où venait l'odeur était différente de celle d'où la voix émanait. Il marcha sur le côté pour découvrir une autre flaque de sang sur le sol.
"Tu peux me tromper, mais tu ne peux pas te cacher !"
Avec un peu d'effort, il défit la boucle de son épaulière, qui fit un bruit lourd en tombant au sol. Son adversaire ne l'attaqua pas. Il enleva sa jupe et ses jambières, les déposant à coté de ses armes secondaires.
"Apparament tu as retenu quelque chose de l'entraînement que je t'ai donné ce jour-là."
A nouveau, sa voix provenait d'une nouvelle direction. Seize années auparavant, lui et son peloton avaient refusé de recevoir l'enseignement de FirstMatter. Les Anciens prirent cela pour un acte de rébellion et leur imposèrent ce qu'ils considéraient comme une punition appropriée. Le capitaine des sentinelles suggéra une punition qui leur laisserait une chance de survivre mais qui marquerait leur fierté à vie. Il se trouve que le capitaine perdit la vie dans un combat contre les zombies des marais en essayant de prendre une forteresse souterraine.
"Tous les membres du peloton seront enfermés à clef dans un complexe souterrain et, avec armes et armures, se battront pendant trente-huit minutes. Profitez bien de votre punition."
Enfermés dans le noir absolu, ils rencontrèrent Aria FirstMatter. Complètement désarmée, elle leur infligea trente-huit minutes des plus douloureuses et humiliantes qu'ils n'oublieraient jamais.
"Merci pour le compliment."
La flèche siffla vers Brikus, interrompant sa rêverie. Au début, Brikus crut qu'il s'agissait d'une blague ou d'une tromperie, mais les flèches continuèrent à voler vers lui avec une précision mortelle. Elle connaissait clairement sa position exacte. Brikus abaissa son épée au hasard, faisant voler des bouts de vieille peinture et des morceaux de bois, ce qui généra beaucoup de poussière.
"Eh bien, si tu fais ça, tu couvriras l'odeur."
Dès que Brikus entendit sa voix, une autre flèche fonça sur lui. Il roula pour éviter le coup.
"Mais l'odeur n'est pas la seule chose que tu te dois de couvrir. On peut aussi déceler les mouvements dans l'air ou la chaleur du corps de quelqu'un."
"Quelle absurdité !" Brikus ne pouvait croire que l'on puisse posséder une telle aptitude.
"L'idée est que…" Le bruit d'une corde d'arc tendue à plusieurs reprises se fit entendre l'espace d'un instant. Cinq tirs ? six tirs ? Brikus fut touché au bras gauche et à la jambe. Son oreille gauche fut aussi touchée. "… si tu te concentre sur un seul sens …" Soudain, la voix fut extrêmement proche. "… tu ne m'attraperas jamais espèce d'imbécile !" L'instant d'après, Brikus recevait un coup puissant et bascula en arrière. Il tomba au sol, se remit sur pied et se prépara à l'attaque suivante.
Contrant et esquivant l'épée que Brikus brandissait sur elle, la dague de FirstMatter lui trancha presque la mâchoire en deux. Il fit un pas en arrière et pointa son épée directement vers l'avant. A ce moment, la dague de son adversaire se planta dans son poignet. FirstMatter la tordit de toutes ses forces, creusant à travers les os et les tendons dans un sinistre bruit de craquement. Hurlant de douleur, Brikus pivota le poignet, surprenant Aria d'un coup en plein visage.
Elle recracha du sang et sourit devant la volonté de son adversaire de se battre.
"Oui." Marmonna Brikus comme s'il crachait ses mots à travers dents. Ce qui tomba à terre n'était pas son arme. "C'était ça le problème."
Il jeta à terre des petits objets en forme de capsule. Les capsules se brisèrent et illuminèrent la pièce d'une aura bleutée d'esprits.
"Bien qu'il s'agisse d'une grande invention, les jeunes assassins semblent s'y fier excessivement." Aria retira un gros morceau de verre planté dans sa cuisse et le balança de côté. Une giclée de sang jaillit à nouveau de la plaie. Elle ne voulait pas que son adversaire voie qu'elle avait déjà saignée beaucoup trop. Elle maintint sa posture et se tourna vers la porte. "Parmi eux, au moins es-tu le plus talentueux, Sentinelle Brikus."
"J'accepterai volontiers votre enseignement FirstMatter." Le visage du Maître était couvert de sang et de sueur. Il défit la bande de tissu autour de sa taille. Il l'enroula grossièrement autour de son poignet en lambeaux et le serra avec les dents. "Qu'importe, il me reste l'usage de mon bras gauche."
Essayant de finir le combat avant que la lumière des esprits ne disparaisse, Brikus ramassa son épée du bras gauche et, boitant de sa jambe gauche blessée, fonça sur Aria. A ce moment, une flamme noire jaillit et la porte se transforma en cendre en un clin d'œil. Un sort de tornade pénétra violemment, détruisant les murs et le plafond. Un instant indescriptible passa, tandis que la masse de détritus s'apaisait. Lentement, Brikus se dégagea du grenier effondré.
"Xenovia ! Où est FirstMatter ?"
Brikus assistait à une scène qu'il aurait voulu ne jamais voir. Aria maintenait le Mage par derrière, plusieurs poursuivants étaient morts tout autour. D'autres soldats flottaient dans l'eau, le canal était écarlate de sang. La dague d'Aria frôlait le cou du mage.
"Tu sais que prendre un otage ne t'apportera rien de bon."
Brikus allait continuer de parler lorsque Xenovia leva la main pour l'arrêter. "Tu sais, je ne pense pas que je sois un otage."
"Tu as raison." Aria murmura quelque chose à l'oreille du Mage.
Le Mage écarquilla les yeux tandis que le sang giclait de sa bouche. Retirant sa dague du dos du Mage, Aria poussa son corps ramolli dans le canal. L'eau éclaboussa grossièrement et le corps du Mage fut emporté par les flots. Brikus hurla et fonça sur Aria avec une expression d'abandon désespéré et de haine profonde.
"Calme-toi Brikus, Elle est en vie." Aria essayait d'effacer l'animosité que son adversaire arborait.
Aria claqua la langue, non pas parce qu'on l'avait interrompue, mais parce la voix était celle d'une personne qu'elle aurait voulu ne jamais revoir. Un visage familier sortit de la pénombre créée par les restes du bâtiment.
"Chevalier de Pavel."
"Je suis Scryde."
"Je me rappellerai de toi à partir de maintenant."
"Oui, Tu ferais mieux."
Brikus, Scride, et Aria. Les trois Elfes Noirs marquèrent un temps d'arrêt étrange qui dura un moment. Brikus fit le premier pas. Masquant son intention d'attaquer, il fit un pas vers le canal. Aria réagit instinctivement, et se positionna plus près de lui. Elle savait à quel point il était dangereux de confronter plusieurs ennemis en terrain si découvert. Elle se méfiait particulièrement de Plume-de-Corneille, l'autre Elfe Noir venu du nord.
Scryde informa Brikus, "Sa dague a un sortilège de saignement. Vous avez intérêt à en finir vite."
"Je ne sais pas qui vous êtes, mais je le savais avant que vous ne me le disiez."
Ce qu'Aria ne comprenait pas, c'était la vitesse de rétablissement de Scryde. Elle était sure qu'elle lui avait infligé suffisamment de dégâts pour qu'il soit hospitalisé pour un mois ou deux.
"Cela doit être une sorte de potion qui aide au rétablissement."
Certaines potions avaient pour effet de faire oublier la douleur pendant un moment, ou d'améliorer les capacités physiques. Mais la plupart rendaient leurs usagers dépendants et causaient de nombreux effets secondaires qui provoquaient des dégâts au cerveau.
Le Maître et le Bladedancer cernaient Aria des deux côtés. Ils étaient tous deux duellistes à l'origine, ce qui leur permettait d'user d'une épée de chaque main. Cependant, aucun des deux ne pouvait à présent utiliser les deux bras. Aria se demanda l'espace d'un instant, si mutiler et détruire le corps des mâles ne lui était pas devenu une passion morbide.
Les deux Elfes Noirs attaquèrent. Des flèches volaient continuellement sur elle depuis l'autre côté du canal. Roulant pour éviter de justesse les flèches, elle regarda de l'autre côté du canal où l'archer pouvait être caché. La lumière bleue du phare passa vivement au-dessus des têtes.
Aria attaqua Brikus en premier. Se retournant, elle frappa la jambe de Scryde. D'un bond gracieux, elle plongea dans le canal et tandis que les flèchent pénétraient l'eau, certaines la frappèrent. Rampant au fond du canal, elle se dirigea vers le phare.
Esenn ramassa son arc mais il avait déjà perdu son ennemi de vue. Lorsqu'il se pencha dehors par la fenêtre du phare, il se retrouva face à face avec une Elfe Noire qui saignait abondamment. Elle sourit et attrapa sa main droite. Elle dirigea son autre main sur lui, mais Esen la frappa à plusieurs reprises avec son arc. Sa tête saignait abondamment, ses bras étaient couverts d'hématomes noircissant et son visage défiguré d'horribles enflures. Des deux mains, elle saisit désespérément sa prise. D'un claquement, le doigt qui tirait la corde de l'arc d'Esenn ne put plus bouger. Sa chasse avait échouée. Aria sortit du phare et s'effondra sur le sol.
"Oh mon amour, mon cher amour !"
Elle voulait entendre la voix de son amant. Pas la voix cette coquille vide actuellement enfermée dans le temple et qui répétait sans cesse les mêmes mots, mais celle du plus grand et du plus redoutable homme qu'elle n'ait jamais connu et dont elle se souvenait encore.
"Encore un tout petit peu. Juste un peu plus." Elle se roula en boule, les épaules tremblantes.
Elle leva ses yeux hébétés au ciel. La lumière du phare disparaissait tandis que le ciel s'éclaircissait. Elle pouvait entendre les bruits de pas, lourds et puissants. Elle pouvait deviner de qui il s'agissait. De la paume de sa main, elle essuya les larmes de son visage.
"Vous avez laissé la femme mourir ?" Dit Aria à Maître Brikus. "Ce n'est pas très gentil de votre part."
À Scryde, qui avait un regard inquiet – du moins est-ce ainsi qu'elle interprétait ce visage sans expression – elle dit, "Comme je me suis chargée d'elle, je me chargerai de toi."
Elle se mit debout, mais chancela, perdit l'équilibre et tomba dans un caniveau humide. Sa vision était floue, elle pouvait encore voir de la peur et de la haine sur le visage des deux hommes, mais pas beaucoup de sympathie. Leurs mains s'approchaient d'elle, non pas amitié, mais pour laisser leurs marques sur son corps ravagé.
"Toutes ces choses sont trop fatigantes pour moi." Elle dressa sa dague. "Finissons-en rapidement et allons nous reposer."
- Chronicle 2 : Age of Splendor - Chapitre 1, Prelude
- Chronicle 2 : Age of Splendor - Chapitre 2, Shadow Fang
- Chronicle 2 : Age of Splendor - Chapitre 3, Aria
- Chronicle 2 : Age of Splendor - Chapitre 4, Martien (1)
- Chronicle 2 : Age of Splendor - Chapitre 5, Scryde
- Chronicle 2 : Age of Splendor - Chapitre 6, Martien (2)
- Chronicle 2 : Age of Splendor - Chapitre 7, Aria (2)
- Chronicle 2 : Age of Splendor - Chapitre 8, Martien (3)
- Chronicle 2 : Age of Splendor - Chapitre 3, Aria (3)
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